Coulisses (Impressions de comédien)
Un
par
un
avec
plus
ou
moins
d’énergie.
Un
bonjour
distrait,
un
sourire
confiant.
Raconter
ses
rêves,
ses
cauchemars.
Eclats
de
rires,
et
d’ajouter
« …moi
aussi… ».
Arriver
en
avance,
trop
de
douleur
dans
le
ventre.
Tourner
en
rond,
comme
un
tigre,
dans
la
maison,
acquiescer
d’un
signe
de
tête
à
une
remarque,
une
question.
Mal
à
l’aise
d’être
absent
du
quotidien des siens.
Partir
plutôt
qu’être
en
dehors,
« aller
au
charbon ».
Se
baigner
dans
l’ambiance,
s’approprier
le
lien.
Souffrir
dans
l’arène,
celle
de
l’entraînement,
des
douleurs,
des
répétitions.
Là
où
toutes
les
erreurs,
les
mal
dits,
les
maladresses
sont
inscrits.
Là
où
les
repères
de
l’incertitude,
du désespoir d’y arriver sont marqués dans l’air ambiant.
Endosser
son
imperfection,
prendre
en
charge
ses
lacunes.
Etre
là,
et
se
lancer
le
défi
ultime
de
réussir
avec
un
bagage
qui
n’a
jamais
fait
ses
preuves.
Les
répétitions
n’ont-elles
servi
qu’à
tester
toutes
les
possibilités
de chutes ?
On
ne
peut
s’empêcher
de
passer
en
revue
tout
ce
qui
n’a
pas
« marché »…
Occulter
les
trouvailles,
les
traits
de
génie,
ce
qui
glisse
« bien
huilé ».
Comme
si
ce
qui
est
bon
avait
moins
de
valeur
que
les
défaillances de l’essai.
Un
sourire
crispé,
quelques
mots
non
perçus
bien
qu’énoncés
de
près,
alors
qu’un
commentaire
de
spectateur
loin
en
salle
retentit
tel
l’hallali.
Le
martèlement
des
intelligences
sur
l’auteur,
le
théâtre
en
général,
les
acteurs
connus.
Que
sommes-nous,
pauvres
débutants
amateurs,
à
entendre
citer
des
références
que
nous-mêmes
reconnaissons
comme
maîtres
et
qui
nous
semblent
inaccessibles.
Et
puis,
des
rires,
des
histoires
de
télévision,
des
faits
intimes
confiés
à
son
voisin
sur
le
ton
de
la
confidence,
à
deux
pas
du
rideau
de
coulisse
qui
nous
masque.
Témoins
involontaires
des
vies
présentes
qui
viennent
nous
voir
vivre
aussi.
S‘abreuver
des
sentiments,
des
passions,
des
déchirements
que
nous
allons révéler devant leurs yeux avides d’un strip-tease émotionnel.
Toi,
la
tête
plongée
entre
les
genoux
enserrés
de
tes
bras
tremblants.
Quelles
images,
quelles
pulsions,
quels
mots
révises-tu ?
Vois-tu,
comme
moi,
un
bout
de
phrase
à
quatorze
centimètres
du
haut
de
la
page
quatre ?
Ressens-tu
ton
bras
se
lever,
ton
corps
pivoter
sur
cette
réplique ?
La
hargne
monter
ou
les
larmes
affluer
au
bord
des
paupières,
heureux
d’avoir
la
bonne
émotion
mais
inquiet
pour
le
maquillage
tout
frais, si difficilement réalisé.
Toi
qui
ne
peux
t’empêcher
de
me
parler,
qui
m’exhale
toutes
tes
tensions,
absent
à
mon
regard
absent.
Je
me
stabilise
quand
tu
te
détournes,
je
sais
que
je
ne
t’ai
pas
blessé
par
mon
silence.
Tu
repars
vers
toi-même,
tu
vas
plonger
de
nouveau
au
cœur
de
tes
tourments,
dans
un
acte
masochiste.
Mais
je
sais
que
tu
retournes
au
combat,
gladiateur
de
la
scène,
tu
te
prépares
à
venir
exposer
au
jugement
du
public
ton
âme
dénudée,
ta
fragilité.
Pendant
que
tu
te
battras
avec
tes
démons,
ton
être
nu
sera
exposé
sans
voile
à
la
vue
des
« autres ».
Effrayante
perspective.
Tu
oses
énoncer
« …
j’ai
la
trouille… »,
d’un
geste,
les
doigts
serrés,
orientés vers le ciel.
Le
froid
m’envahit,
j’ai
besoin
de
boire.
J’appréhende
la
sécheresse
de
la
bouche.
Je
sens
les
jambes
faibles
alors
que
je
vais
avoir
besoin
de
dynamisme, « …foutre le camp… », mais la fierté me retient.
« …Se
laisser
surprendre
par
le
moment
d’entrer
en
scène…
Ne
sais
plus
si
je dois revoir mon texte ou l’énoncer de mémoire… »
Au
détour
d’un
décor
je
te
surprends,
prostré
dans
l’ombre
qui
s’étend
sur
tes
douleurs.
Tu
égrènes
ton
chapelet,
tel
un
pénitent
aux
portes
du
paradis.
Tu
acceptes
toutes
les
épreuves
pour
accéder
à
ce
monde
de
promesses. Tu t’appliques à ne rien négliger, ni un geste ni un mot.
Tu
danses
sans
te
préoccuper
de
quiconque.
Ta
concentration
est
extrême.
Je souris, à te voir ainsi, je me rassure, je sais que tout va marcher.
Le
temps
nous
assaille,
nous
taraude
les
tripes.
Encore
combien
de
minutes ?
La
tentation
est
forte
de
voir
si
la
salle
est
pleine.
Le
brouhaha
des
conversations
laisse
imaginer
la
réaction
du
public.
Sympathisante,
critique, réactive ? Sans le public, l’acteur n’existe pas.
« …c’est
à
vous… »,
tombe
comme
un
coup
de
tonnerre,
plus
fort
que
le
tumulte
dans
nos
têtes.
Les
lèvres
se
serrent,
les
regards
se
fixent.
Quelle
force
nous
entraîne
au
coin
du
rideau ?
Maintenant,
l’impatience
est
à
son
maximum,
« Silence
radio ».
Quelques
ultimes
sursauts
de
décontraction,
encore quelques respirations profondes.
Je
regarde,
absent,
le
régisseur
frapper
du
maillet
le
plancher.
Le
voyage
a
déjà
commencé.
Mon
corps,
mon
esprit
sont
maintenant
transférés
dans
le
personnage.
Quel
est
cet
être
étrange
qui
frappe
au
sol
à
coups
espacés ?
Que
fait-il
dans
mon
histoire ?
Peu
m’importe,
je
vais
vivre
dans
un
instant
une
histoire
que
je
suis
sensé
n’avoir
jamais
vécu
et
chaque
seconde
devra être empreinte d’une spontanéité inégalée.
Lumières,
interpellations,
un
pas,
puis
un
second,
sous
mes
pieds
le
plancher
de
la
scène.
Les
projecteurs
plein
les
yeux
et
derrière,
comme
des
lucioles
dans
la
nuit,
les
yeux
par
centaines,
les
regards
par
dizaines.
Soudain
l’énergie
qui
monte
et
explose………………et
enfin
l’action
libératrice.